Escapade horlogère: Armin Strom met les voiles à Majorque
De retour de Majorque. Quartiers d’été pour la micro-manufacture biennoise indépendante qui se fraye un chemin de plus en plus emprunté dans l’univers des collectionneurs. Et aussi, en 2017, à fleur des flots d’une passion vélique.
Les histoires des sponsorings qui fonctionnent le mieux naissent souvent, au départ, de liens amicaux. Ici, à Majorque, aux déjà chaudes prémices d’un été caniculaire, il est question d’une amitié d’enfance qui, grâce aux vents marins et aux embruns méditerranéens, s’offre une seconde jeunesse. D’un côté, Flavio Marazzi, skipper et patron de l’équipe Armin Strom dont la famille écumait déjà le lac de Thoune, de l’autre, Serge Michel et Claude Geiser, le binôme directorial et horloger d’une marque de montres suisses gorgée de promesses.
Une échappée le vent en poupe
Mon seul regret, à mon arrivée à Palma de Majorque, était de ne pas avoir à mon poignet la montre Armin Strom que j’avais créée tout seul, à partir du configurateur particulièrement convivial lancé par la marque à Baselworld 2017 et depuis moult fois imité. Sans le savoir à l’époque, j’avais ‘pondu’ un objet prémonitoire. Quelle pièce, mieux que cette montre Gravity, pouvait en effet incarner à la fois la blancheur du sel des embruns, le bleu des fonds marins et l’or oranger des chaleurs environnantes? Heureusement, une capture d’écran me permit de confronter mes élans créatifs avec les moments bénis vécus à même cette côte insulaire aux accents hispanophones.
La rencontre avec les membres de l’équipe fleure bon la franche camaraderie, la profondeur des relations d’équipe, la ferveur des coude-à-coudes et des parfums d’aventure. Voici pour la façade. Dans le fond, on réalise vite qu’on est face à une montagne de compétences unies, mêlées, synchronisées. A l’horizon, quelque ligne d’arrivée imaginaire, résistant aux abattées comme au aulofées, capable de cristalliser tous les efforts, de générer toutes les abnégations. Le tout à bord d’un catamaran futuriste, inspiré directement des plus grandes réussites technico-esthétiques issues de l’America Cup.
Ce voilier taillé pour la compétition GC32 Racing Tour possède la particularité, dès que le vent titille ses voiles, de se hisser au-dessus de la surface marine et de se mettre quasiment à voler sur l’eau. A peine une fine lame, dénuée de toute résistance, qui le relie à la surface liquide, lui permettant de s’orienter. Ça me fait penser à un couple «échappement spiral», l’organe réglant d’une montre mécanique, à la fois léger, spatial, et qui semble se jouer de l’apesanteur sans pour autant totalement décoller des réalités temporelles.
A l’image de composants horlogers
L’expérience a des allures de baptême. C’est impressionnant, cela remue le cœur et le cerveau, ça se consomme en concentré d’adrénaline. Accroché tant bien que mal à quelque corde ou mât, je ne sais plus très bien, je repousse mon amarinage à d’autres calendes et m’en remets aux gestes sûrs de professionnels qui, pareils aux composants d’un mouvement de montre mécanique, semblent fonctionner en parfaite correspondance et complémentarité. Ici, à même l’accastillage, un rouage que des biceps tournent à plein régime, là une courroie de transmission, qui se faufile dans l’entrelacs de cordes dont chacune incarne sa propre fonctionnalité. Le sol se défile, il n’est plus coque ni solide, il est filet, cordages, squelette.
Difficile d’imaginer qu’en pleine course, les marins qui m’entourent, sont capables d’aller encore plus à fond dans la maîtrise de leur embarcation. Là, ils ne sont qu’en démonstration, l’effort leur paraît facile, leurs énergies ne marinent pas à plein régime. L’un d’eux me racontera que la veille, discrètement, ils avaient prévu s’attaquer au record de tour de l’Île de Majorque, une performance à battre en dessous de 16 heures environ, pour autant que météo et courants marins se muent en alliés, que vents et voiles décident de ne faire qu’un. Ce ne fut pas le cas cette fois, ce n’est que partie remise malgré le programme, une suite de compétitions qui les éloignent de ces côtes Baléares pour les emmener après Calvi (les 13 au 16 septembre) à Marseille (12 au 15 octobre 2017).
Une équipe gagnante, en résonance
Quoiqu’il en soit, quels que soient ses résultats, l’équipe est déjà gagnante. Car elle distille en son sillage, tel un cocktail à haute valeur médiatique ajoutée, un bouquet de valeurs référence qui se mettent en résonnance avec celles d’une horlogerie d’excellence, pratiquée à Bienne avec justesse et vision. A propos de résonance, au fil des partages qui eurent lieu en cette île magique, il fut largement question d’une autre forme de résonance. Ce phénomène physique qui permet aux calibres mécaniques de gagner en précision et aux horlogers de s’émerveiller et de se challenger encore plus face à l’inexplicable.
La collection Mirrored Force Resonance, porteuse d’une révolution horlogère - relire mon article y relatif, paru en exclusivité à la veille du lancement mondial effectué à Londres fin 2016 – a animé nos échanges, montre en main: fascinante chorégraphie micromécanique que ces deux organes réglants qui, soudain, se mettent en phase, en une osmose qui repousse les frontières de la chronométrie. Il paraît qu’en haute mer aussi, les marins expérimentés ont parfois affaire à pareil phénomène. Une sorte de roulis qui rend le navire incontrôlable, comme emporté par une énergie magique et un point de fusion avec l’élément aquatique.