Armin Strom Tourbillon Water, la légitimité bleue d’une Manufacture
Saupoudré de voyeurisme manufacturier, entre un savant dosage de squelettisation et d’évidage, le tourbillon Armin Strom interpelle les collectionneurs. Particularités et différences.
«Un tourbillon de plus» murmurèrent les sceptiques lorsque la marque décida d’investir le territoire très sélect des manufactures horlogères capables de concevoir, de régler et de fabriquer leur propre tourbillon. Je dis bien de le faire à l’interne, et non pas de l’arranger à sa propre sauce après l’avoir commandé chez un des rares motoristes capables de le réaliser. Je dis bien aussi, être capable d’en faire plusieurs, non pas juste d’en réaliser un seul, pour le buzz et la beauté du geste. Là déjà, les rangs s’éclaircissent! Armin Strom, sans faire de bruit, s’est installée aux premières loges de ce pré carré, entourée de noms historiques et prestigieux.
Armin Strom Tourbillon Gravity Water
Calibre tourbillon ATC11
Faire un tourbillon pour faire un tourbillon n’était donc pas à l’ordre du jour. Faut-il rappeler qu’à la tête de la Manufacture se trouvent deux hommes dont l’un, Claude Greisler, est horloger concepteur et constructeur, ancien restaurateur de montres ancienne ?
Il fallait donc le réaliser certes, mais en lui conférant quelques particularités techniques. Il fallait aussi le faire puisque dès le départ, la matrice conçue pour la production des calibres de base, prévoyait sur le plan de ses options architecturales, l’accueil de complications, voire de hautes complications.
Armin Strom Tourbillon Gravity Water
Fort de ses 184 composants, le ATC11 se distingue par un levier en or blanc 18 carats et un assemblage où le balancier et les pignons des secondes sont positionnés sur le même axe. Et comme toujours, l’ensemble de la construction mécanique se trouve excentré à l’intérieur de la carrure, ce qui lui donne une esthétique désirable et différente, ce qui permet au passage aux initiés de capter du premier coup d’œil que nous sommes en présence d’un calibre manufacture et non pas d’un mouvement mécanique acquis dans l’un des supermarchés de la sous traitance.
Pour le reste, il dispose, comme les autres calibres de sa famille, d’un double barillet dont on voit les allers et venues lorsqu’on remonte la pièce, d’une réserve de marche de 10 jours, d’une fréquence de balancier de 18'000 alternance par heure – un tracteur sûr et fiable, pas un bolide fragile et poussif – et d’un cadran annulaire blanc avec appliques apposées. Sa boîte en titane est étanche à 50 mètres de profondeur, soit à moins 5 atmosphères.
Armin Strom Tourbillon Gravity Water
Quant à son bracelet en cuir véritable d’alligator, en version horn back, c’est à dire offrant le relief reconnaissable d’un endroit de la peau de l’alligatoridé, il se veut en rapport avec les couleurs choisies par Armin Strom pour conjuguer aux temps des quatre éléments la presque totalité de ses collections: blanc ou gris pour l’air, bleu pour l’eau, rouge pour le feu et noir pour la terre. Sans hésiter, l’été battant son plein et bien que j’aurais pu opter pour le bracelet supplémentaire en caoutchouc livré avec chaque montre, c’est le bleu de la fraîcheur aquatique que j’ai choisi de porter, en test, durant une semaine devenue plusieurs.
Dans les gènes, l’indépendance
Avec ou sans tourbillon, la Manufacture Armin Strom ne s’écarte pas de sa feuille de route, affinant l’acquisition de son parc machine et repoussant toujours plus loin les frontières des savoir-faire exercés à l’interne. Ses challenges s’inscrivent dans une vision stratégique à long terme: fabriquer ses propres calibres mécaniques et un jour, s’affranchir de toute dépendance en matière d’approvisionnement de mouvements. S’aventurer en ces termes sur le terrain du tourbillon a du sens. D’autant que cette complication inventée par Abraham-Louis Breguet reste la quintessence de la maîtrise horlogère, fascinant depuis plus de 200 ans tout horloger qui se respecte.
Armin Strom Tourbillon Gravity Water
A lui seul, le tourbillon est devenu une marque qui dispose dans le monde d’une poignée d’irréductibles adeptes. En ce sens, il est apposé en co-branding sur le cadran de nombreuses enseignes – qui n’a pas son tourbillon aujourd’hui? -, les aidant dans un premier temps à faire passer le message de leur incommensurable maîtrise micromécanique, puis dans un deuxième, à vendre quelques montres à des prix élevés. Et pourquoi la marque Armin Strom qui s’implique toujours avec autant de sérénité dans son futur autarcique, n’élargirait-elle pas le cercle de ses fans grâce à des tourbillons maison qui s’inscrivent dans une véritable légitimité manufacturière plus que dans le suivisme alentours?